Tradition et innovation

Le marché italien, en phase de reprise, offre aux entreprises françaises des possibilités intéressantes dans les hautes technologies, le numérique ou encore l’agroalimentaire. La complémentarité entre nos économies et nos entreprises favorise la réussite des projets de collaboration.

Le marché italien reste un débouché important pour nos entreprises du fait de sa taille  (60 millions   de personnes, dont une large partie au Nord-Est et au Nord- Ouest, avec un très fort pouvoir  d’achat,  du  niveau  de l’Ile-de-France). Il s’agit de notre second partenaire, si l’on cumule import et export. Cependant la récession  passée  et la faible  croissance  continuent à en faire  un  marché  difficile et largement mature  sur  lequel on ne peut guère  atteindre des taux de croissance élevés… sauf cas exceptionnels qui existent. Il faut donc pour nos producteurs de biens de consommation être créatifs et réceptifs aux attentes et habitudes souvent différentes de celles des consommateurs français. L’origine française est rarement suffisante en soi pour vendre et la massification n’est pas appréciée alors qu’il faut au contraire répondre à des désirs parfois contradictoires tels que classicisme et tradition (un produit alimentaire par exemple ne doit pas vraiment paraître « industriel » et  les  rappels aux bienfaits de la nature, du bon, du sain, du territoire  et des recettes de « grand-mère » constituent de vrais « plus » appréciés) ou au contraire de nouveautés très marquées design, mais aussi confort, qualité et innovation. Dans ces derniers cas, l’aspect « mode » et « branché » est très important et doit être travaillé avec des investissements locaux.

Nous ne pouvons que conseiller des stratégies orientées vers la qualité des produits  plutôt que sur les volumes ainsi qu’une adaptation des produits proposés au marché italien. Cela signifie de disposer du temps et d’une présence sur place. Rien n’est facile, mais en cas de succès, l’effet « boule de neige » peut être important, surtout à un moment où après la  crise  « consommer »  et  se « faire plaisir » redeviennent socialement  possibles.

 

Que peuvent faire nos entreprises sur le marché italien ?

Concernant les producteurs de biens durables destinés aux entreprises et aux investissements, la  reprise  amène progressivement une relance de l’investissement privé et avec l’aide de l’Europe (l’Italie est le premier bénéficiaire du plan Junker avec 15 % du total et 27 milliards d’euros d’investissements). On observe aussi le lancement de projets d’infrastructures dont le pays a bien besoin. Dans ce dernier domaine on peut citer les financements de la BEI concernant les secteurs suivants : énergie, infrastructures publiques  (haut   débit,  compteurs à gaz intelligents, trains,…), numérique, agriculture… Autant de secteurs qui créent des opportunités. Il est important de toujours conserver à l’esprit que l’Italie est resté un pays industriel (le mot ne fait pas peur, et on y aime l’industrie et ses produits à tous les niveaux) et largement exportateur avec de très nombreuses petites et moyennes entreprises. Les forces de celles-ci sont : 1) les process industriels efficaces, 2) la flexibilité et l’écoute continue des besoins du client, 3) le design perçu comme aussi important que le contenu technique. Ces entreprises sont rarement  intégrées et savent toujours travailler avec des sous-traitants ou en collaboration avec d’autres dans de gros projets ou à l’étranger lorsqu’elles ne sont pas présentes.

Nous ne pouvons donc que conseiller de :

  • Suivre les grands projets d’infrastructure ou d’investissements des entreprises italiennes (en Italie ou ailleurs);
  • Se rappeler que les entreprises italiennes recherchent toujours des sous-traitants ou partenaires pour leurs opérations italiennes ou étrangères. La  collaboration (toujours et pragmatiquement de type « gagnant-gagnant ») est inscrite dans les gènes de l’entrepreneur;
  • Les collaborations se préparent et se travaillent dans le temps, via des contacts physiques et personnes individuelles;
  • Les opportunités concernent les produits finaux et les forces commerciales, mais également et fortement la R&D, les développements IT, le numérique où les services associés pour lesquels les groupes italiens sont parfois mal préparés (ou de taille trop petite pour être efficaces).

 

Quelques idées de collaboration

Le lancement de la “French Tech” où nous sommes le premier investisseur étranger depuis des années. On est plutôt axé en Italie sur le Medium Tech, mais en tant qu’industriels, on sait que la technologie est essentielle pour demain.

Nos  grandes  entreprises  technologiques y ont déjà une position forte et ont les moyens de la développer sur ce marché important  et  vivace  grâce  à l’export. Si la crise y a été fortement ressentie, et la baisse du PNB longue et importante, la croissance est repartie (même si elle est encore faible, et inégale avec de vraies positions fortes dans le Nord) et les collaborations technologiques de  plus en plus appréciées. Une longue expérience  en  Italie  amène  à faire les réflexions suivantes : Depuis longtemps nous sommes nombreux en Italie à être convaincus de la réelle complémentarité (entreprises, produits et capacités managériales) existante entre les entreprises et entrepreneurs français et italiens (au moins celles et ceux de tailles petites et moyennes) qui peuvent rapidement trouver intérêt à collaborer, puisque leurs vrais compétiteurs sont ailleurs et disposent souvent de moyens plus importants. Outre ses grands groupes et sa force dans les technologies classiques de pointe et les services en  général,  notre  pays – vu de l’Italie – a aujourd’hui une véritable capacité dans les nouvelles technologies (numérique, e-commerce, technologies,…) qu’il peut et doit développer en Italie. Le marché n’y est pas facile (et ne l’a pas été ces dernières années), mais il bouge à nouveau et est friand de nouveautés techniques. Le moment est favorable pour nos startups  et  petites entreprises technologiques qui veulent entrer sur le marché italien. C’est aussi  maintenant que peuvent se constituer de nouveaux groupes européens franco-italiens fonctionnant de manière collaborative, ce qui fonctionne déjà par  exemple pour quelques groupes de luxe. L’Italie a des spécificités et en particulier un export largement concentré sur la mécanique, les biens de la personne et de la maison et l’agroalimentaire. Il faut en tenir compte. Tout en insistant sur l’importance du numérique, de  l’e-commerce et de la haute technologie, il faut aussi considérer deux domaines essentiels pour l’Italie : l’alimentaire et la mode / le luxe. Après le succès de l’Exposition Universelle en 2015 consacrée à l’alimentation, Milan veut maintenant se concentrer sur le Food Tech  et y devenir une référence mondiale et européenne grâce à l’attrait de ses produits alimentaires bien perçus et souvent à la mode au niveau mondial. Ce terme, déjà important aux États-Unis, est mis en avant à Milan : investissement de la commune de Milan sur le site de l’ancienne Exposition Universelle et développement d’un salon mondial. Ainsi se prépare la troisième édition en mai 2017 du salon évènement Seeds and Chips qui aura lieu à l’occasion du salon Tutto Food. Il apparaît intéressant d’associer en Italie la France à ce concept. Ce devrait être la bonne occasion de présenter en Italie nos forces, produits et spécialités… hors des compétitions et chauvinisme habituels dans un bel esprit de collaboration franco-italienne.

 

La résilience  de l’industrie

Une autre spécificité italienne réside dans la force (on pourrait dire résilience) de son système industriel. Celui-ci reste fort et créatif : ses forces sont le « process industriel » original, associé au refus du volume pour se consacrer à la valeur ajoutée, la niche de marché et la transformation/adaptation continue du produit en fonction des besoins du client et du  marché. En refusant le Low-Cost ou Low-Tech, et à côté du High-Tech, l’Italie parle souvent du Medium Tech, créateur également de valeur. De même au terme startup, on y associe régulièrement le terme de Restart, qui signifie utiliser un savoir-faire ou une  technologie existante pour la développer dans de nouveaux domaines. Il apparaît donc intéressant de réfléchir à des collaborations positives entre créativité française (services, IT, numérique, e-commerce, …) et  créativité italienne (design et process industriel) pour produire ensemble des produits et services nouveaux et connectés couvrant bien la  demande… et éviter parfois le recours à des productions chinoises, coréennes ou américaines dans certaines solutions de nos startups pour la partie technique. Pas simple certes, mais positif en termes de communication et challenge original et positif pour le « French Tech Milano Hub ».

A côté ou avec le « French Tech Milano Hub » on peut donc imaginer :

  • Inciter de jeunes entrepreneurs, startups et petites entreprises à aborder plus rapidement et plus efficacement le marché Italie;
  • Développer et mieux présenter notre spécificité Food. C’est un domaine de pointe et d’avenir, et nous devons nous y montrer forts chez notre second partenaire;
  • Redonner à nos entreprises grâce au concept du « French Tech Milano Hub » une image positive et constituer un point de rencontre entre les créativités françaises et italiennes pour se connecter et dévelop- per ensemble concrètement des objets et projets, profit des forces de chacun et en particulier la capacité industrielle hyper souple et fléxible. On peut souligner que le modèle italien d’entreprises petites et familiales est souvent assez proche du modèle startup dans son fonctionnement.

 

Nicolas DIERS, Vice-président de la CCI France Italie et Vice-président du Comité Italie des CCE

 

 

 

 

 

Medium-Tech versus High-Tech

Constatation faite en Italie : si les États-Unis sont leaders dans le High-Tech, et la Chine ou la Corée – bien que progressant rapidement dans la High-Tech – le sont dans le Low-Tech ou le Low-Cost des grandes séries, l’Europe (et en particulier ses bases industrielles en Allemagne et en Italie) reste encore leader incontestédans le Medium-Tech. Celui-ci reste vaste et permet de vendre cher des produits de qualité : machines-outils, produits de luxe, voitures haut de gamme, produits alimentaires transformés sains, installations réduisant les nuisances industrielles, …

Ces produits européens utilisent un savoir-faire reconnu alliant qualité, recherche continue, design, réactivité, évolution des process industriels … correspondant à un vrai Know How complexe permettant de la création de valeur même s’ils ne sont pas considérés High-Tech.

Dans cette optique la capacité italienne (en particulier sur des marchés de niche où les volumes réduits n’intéressent pas les Asiatiques) est recherchée aujourd’hui par les Allemands, Américains ou Chinois qui achètent des sociétés ou utilisent cette capacité technique pour développer des process nouveauxcorrespondant à des innovations ou des petites séries.

Dans le même état d’esprit, cette réactivité technique est utilisée pour relancer des techniques existantes et Know How spécifiques dans de nouveaux domaines d’application. On appelle cela en Italie le Restart et il est favorisé et mis en avant au même titre que le sont les startups.

Les exemples sont assez nombreux et originaux. Relance de marques mortes (par exemple Monclair et K-Way). Utilisation de Know How anciens (on ne fabrique plus de chaussures à Vigevano ou de chaises dans la Vénétie, mais Vigevano reste leader mondial dans le design et la fabrication de machines pour la chaussure,et les entreprises de Vénétie fournissent en bois et technologie tous les fabricants de meubles chinois…). Spécialisation dans le design ou les tâches nobles, … permettent ainsi de maintenir de nombreux emploismême si l’industrie de départ a disparu.

Idem pour la capacité à unir dans un produit final : mécanique, électronique et numérique même s’il manque encore parfois la notion de services dans la durée. Peut-être quelques idées de Restart industriels et collaborations dans l’évolution de produits et services.

 

 

Créer le concept de la FOOD TECH

Dans un monde qui change rapidement, les attentes des jeunes générations sont naturellement très différentes de celles du passé. Parmi celles-ci, l’approche à l’alimentation change profondément, et la « Millennials Generation » est devenue aux États-Unis et en Europe la première qui dépense plus pour se nourrir que pour se vêtir (rentrent bien sûr ici les achats dans les supermarchés mais également les achatsde nourriture, boissons et repas dans les bars, restaurants et autres supports de livraison à domicile).

Vraie révolution dans laquelle on est de plus en plus attentif au produit, à ses caractéristiques, origines, impact sur la planète, aux allergies… (du local, du vrai, du sain, du convivial… que l’on peut préparer soi-même, partager, customiser, …).

Dans la droite ligne de ces besoins nouveaux, le concept Food Tech recouvre donc quelque chose de très vaste allant des techniques de production – par exemple hors sol sur place –, de l’information disponible à tout moment sur le produit, sa traçabilité, sa transformation saine, sa livraison, sa distribution … avec toutes les possibles issues du numérique, du e-commerce et de la technologie (3D) et des servicesspécifiques en création. Les grands groupes américains (Google, Apple, Microsoft, Amazon, Uber, …) conscients des volumes financiers sous-jacents y sont déjà très présents …, cherchent des développementset y investissent beaucoup.

L’Italie dont l’alimentation est fondée sur la qualité du produit (plus que sur le rôle du cuisinier) est déjà très sensibilisée à ces besoins nouveaux.

Les concepts Slow Food et Eat’aly ont acquis une force mondiale avec l’attrait du bio et du Km 0, des produits à image artisanale ou vintage et surtout peu industriels. Avec une distribution où l’hyper est en perte de vitesse accélérée au bénéfice de formules nouvelles plus petites et différentes.

De nouveaux concepts de restauration se développent pour les jeunes (« apéritifs » milanais, …).

Nos groupes alimentaires (grands et petits qu’ils soient dans le cycle alimentaire ou dans la technique tels que Seb et la grande distribution) sont très souvent à l’avant-garde technique, mais restent parfois méconnus du grand public italien derrière une cuisine superbe de cuisiniers … dans  un cadre formel mettant moins en valeur les produits et les techniques qui pourraient être mieux promus. Nous sommes en pointe dans ces domaines et devons le faire savoir.

 

Nicolas DIERS, Vice-président de la CCI France Italie et Vice-président du Comité Italie des CCE

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