L'impact du Coronavirus sur les baux commerciaux de droit italien

Suite à l’adoption par le Gouvernement italien, à partir du 1er mars 2020, de mesures restrictives visant à limiter la diffusion du virus COVID-19 qui ont entraîné la suspension progressive de toutes les activités productives et commerciales non essentielles (à l’exclusion de certains secteurs identifiés sur la base du code activité "ATECO") sur tout le territoire national, les entreprises s’interrogent sur les conséquences juridiques au plan de l’exécution des baux commerciaux et professionnels (régis par la Loi n. 392/1978).

En particulier, est-ce que les preneurs ont le droit de suspendre le paiement du loyer ou bien d’en demander la réduction ou, encore, d’interrompre la relation contractuelle ? Quelles sont les options qui peuvent être envisagées?

 

1) COMMENT RÉAGIR FACE À LA PÉRIODE DE SUSPENSION DES ACTIVITÉS? EST-IL POSSIBLE DE SUSPENDRE LE PAIEMENT DU LOYER?

Les ordonnances qui ont imposé la suspension des activités productives et commerciales empêchent aux preneurs d’exploiter les biens immobiliers loués pour leur activité. En droit italien, il s’agit d’un cas de factum principis (équivalent au fait du prince de droit français) qui constitue une cause d’exonération pour les bailleurs, qui ne pourront donc être considérés comme responsables pour manquement à leur obligation de garantir la jouissance paisible du bien loué pour impossibilité survenue (due à un évènement extérieur à la volonté du bailleur, de caractère extraordinaire et imprévisible). Les preneurs pourront de leur côté tenter de soulever l’exception d’inexécution du bail et demander, aux termes des articles 1460 et 1464 (en matière d’impossibilité partielle) du Code Civil italien, la réduction du loyer ou, dans l’hypothèse de paiement anticipé, le remboursement des sommes versées sur la base des jours de non-utilisation des locaux. La même solution pourrait être envisagée en cas de location-gérance d’un fonds de commerce (ce qui est souvent le cas, en Italie, des commerces situés dans des centres commerciaux qui, contrairement à la France, sont exploités sur la base de contrats de location-gérance de branches de fonds de commerce et non pas de baux commerciaux). Quoiqu’il en soit, il conviendra de bien vérifier l’existence d’éventuelles dispositions contractuelles contraires qui pourraient prévoir des limitations de responsabilité des bailleurs, même en cas de force majeure et fait du prince.


2) EST-CE QUE CELA CONCERNE TOUTES LES ACTIVITÉS PRODUCTIVES ET COMMERCIALES?


En principe, la solution susvisée peut trouver application par rapport à toutes les activités qui ont été suspendues en vertu des ordonnances gouvernementales et des décrets adoptés par les autorités locales. Cependant, il faut préciser, en ce qui concerne les biens immeubles rentrant dans la catégorie cadastrale C1 (soit, magasins et commerces de détail), que l’article 65, alinéa 1, du Décret-Loi n. 18 du 17 mars 2020 a accordé un crédit d’impôt s’élevant à 60% du montant du loyer du mois de mars 2020. Cette mesure permet donc de compenser le coût du loyer pour les preneurs (par rapport à cette période) et, par conséquent, rend très difficile de justifier une demande de suspension du loyer auprès des bailleurs pour le mois de mars 2020, étant entendu qu’une telle demande pourra être formulée au cas où la suspension des activités serait ultérieurement prorogée (à ce jour jusqu’au 13 avril 2020) sans que, en même temps, d’autres mesures de dégrèvement fiscal similaires soient adoptées en faveur des preneurs. Le crédit d’impôt peut déjà être utilisé en compensation à partir du 25 mars 2020, selon les modalités précisées par la résolution n. 13/E de l’Administration Fiscale italienne du 20 mars 2020.


3) QU'EN EST-IL POUR LES ACTIVITÉS QUI N’ONT PAS ÉTÉ SUSPENDUES MAIS QUI SONT POURSUIVIES À DISTANCE OU EN TÉLÉTRAVAIL, SANS DONC EXPLOITER LES LOCAUX LOUÉS? ET PAR AILLEURS QUE FAIRE POUR LA PÉRIODE QUI SUIVRA LA FIN DE L'ÉTAT D'URGENCE SANITAIRE?


L’évolution de la situation économique au niveau national et international, en considération aussi de la durée effective des mesures de suspension des activités productives et commerciales, peut rendre excessivement onéreuse la poursuite des baux commerciaux sur la base des conditions précédemment convenues, également pour les activités qui, bien que non suspendues, peuvent subir une diminution importante de leur chiffre d’affaires. A ce propos, l’article 1467 du Code Civil italien permet de demander la résolution judiciaire des contrats à exécution successive (comme les baux commerciaux) au cas où, en présence d’évènements extraordinaires et imprévisibles (comme la diffusion du COVID-19 et l’adoption consécutive des mesures restrictives visant à la limiter), la prestation de l’une des parties (en l’espèce, le paiement du loyer) est devenue excessivement onéreuse. Au niveau pratique, compte tenu du fait que le preneur pourrait ne pas avoir intérêt à mettre un terme au contrat (surtout si les locaux qui font l’objet du bail ont une position stratégique au plan commercial), il est conseillé d’entamer des négociations avec les bailleurs concernant le montant du loyer ou bien les délais de paiement, le cas échéant au motif de l’impossibilité d’exécution de la prestation de paiement suite à la réduction du chiffre d’affaire à cause des mesures adoptées par le Gouvernement.


4) EST-IL POSSIBLE D'INTERROMPRE LA RELATION CONTRACTUELLE?


Outre le cas du caractère excessivement onéreux de la prestation visé par l’article 1467 du Code Civil italien (applicable également aux locations-gérance des branches de fonds de commerce dans les centres commerciaux), en ce qui concerne les baux commerciaux, les difficultés financières découlant des ordonnances imposant la suspension des activités productives et commerciales (ou bien les activités non suspendues qui, cependant, subissent une réduction dans leur fonctionnement, notamment en cas de télétravail) pourrait constituer un cas de «motif grave» aux termes de l’article 27 de la Loi n. 392/1978, qui légitimerait le preneur à exercer la faculté de résiliation unilatérale du contrat avec un préavis de 6 mois. La possibilité de se prévaloir de cette faculté dépendra bien évidemment de l’impact in concreto des effets des ordonnances gouvernementales, notamment eu égard à la durée de la suspension et aux caractéristiques des activités affectées par ces mesures.


5) QUE FAIRE DONC?


Il est suggéré aux preneurs de prendre rapidement contact avec les bailleurs pour leur communiquer l’intention de suspendre le paiement du loyer (éventuellement pour des exigences de liquidité de la société), après vérification de la présence d’éventuelles clauses résolutoires pour défaut de paiement du loyer (la contestation de la part des bailleurs ne pouvant être exclue) et, ensuite, tenter de renégocier les conditions des baux, au moins pour la période d’émergence sanitaire. Il est également suggéré de vérifier si les polices d’assurances souscrites par les preneurs couvrent le risque spécifique d’impossibilité de jouissance de l’immeuble (sauf limitations en cas de force majeure).

 

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Pour les détails supplémentaires, contactez:

Pirola Pennuto Zei & Associati

♦ Avv. Anne-Manuelle Gaillet - Avocat aux barreaux de Milan et Paris

anne-manuelle.gaillet(@)studiopirola.com

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